Hong Kong : Google, Facebook & Cie menacent de se retirer

Hong Kong
La répression s’intensifie à Hong Kong : les opposants sont emprisonnés, les journaux sont fermés et les réseaux sociaux sont censurés.(Source : IMAGO / NurPhoto)

Un groupe d’entreprises comprenant Google, Twitter et Facebook met en garde contre un retrait des géants de l’Internet et de leurs services de Hong Kong, si des règles de protection des données se voyaient, comme prévu, renforcées. L’Asia Internet Coalition (AIC) critique un actuel projet de loi, le considérant trop vague et disproportionné, comme l’indique une lettre destinée à la Commissaire à la protection des données Ada Chung Lai-ling que l’on peut lire depuis mardi sur le site internet de l’AIC (en anglais).

Avec ce projet de loi controversé, le gouvernement hongkongais souhaite apparemment prendre des mesures contre ce qu’on appelle le doxing. Celui-ci consiste à collecter et publier sur Internet les données personnelles des personnes visées. Par exemple pour leur nuire personnellement, les exposer publiquement ou les identifier. La nouvelle loi prévoit des amendes pouvant atteindre 1 million de dollars de Hong Kong, soit l’équivalent d’environ 109 000 euros, et jusqu’à cinq ans de prison.

Lors des manifestations de 2019, des membres de l’opposition avaient divulgué des données personnelles de policiers (parfois violents) ou de leurs familles. Cela a conduit à des menaces à leur encontre. La loi pourrait être adoptée ce mois-ci par le parlement non librement élu de Hong Kong.

Une loi au potentiel répressif

Selon la lettre des entreprises, la proposition de loi serait trop large et mettrait en danger la liberté d’expression. Elles indiquent également, par exemple, qu’il est « inapproprié et inutile » de poursuivre des employés locaux si leurs employeurs basés à l’étranger ne retirent pas le contenu de leurs plateformes après avoir été invités à le faire par les autorités. Selon elles, cela n’est « pas conforme aux normes et tendances globales, ni au droit de la responsabilité civile délictuelle en général ». De telles sanctions à l’encontre d’individus seraient réservées à ceux qui « participent activement et intentionnellement à des activités qui causent manifestement des dommages physiques et les dirigent ». Selon elles, la seule façon pour les entreprises technologiques d’éviter ces pénalités est de cesser d’investir à Hong Kong ainsi que d’y fournir leurs services.

L’AIC partage la « grave préoccupation » du gouvernement concernant le doxing, mais souligne que les lois contre ce phénomène « doivent être fondées sur les principes de nécessité et de proportionnalité. » Elle a déclaré que le projet de loi ne comportait pas de définition du doxing, ce qui crée une « ambiguïté problématique ». En général, a-t-elle dit, il n’existe « aucune définition universellement acceptée ou reconnue du doxing ». Elle s’inquiète, à juste titre, du fait que le terme est « interprété de manière trop large ».

Complément à la « loi sur la sécurité »

Ce débat se déroule dans un contexte de restrictions grandissantes (en allemand) des libertés politiques dans la région administrative spéciale de Chine. Il y a un an, les dirigeants chinois avaient déjà promulgué la loi controversée sur la sécurité qui permettrait de « protéger la sécurité nationale » et vise des activités que Pékin considère comme subversives, séparatistes, terroristes ou conspiratrices. Depuis lors, les autorités ont pris pour cible le mouvement démocratique dans l’ancienne colonie de la couronne britannique.

Facebook, WhatsApp, Google, Twitter et Telegram avaient alors annoncé qu’ils ne répondraient plus, pour le moment, aux demandes de données d’utilisateurs émanant des autorités de Hong Kong, en réponse à la loi sur la sécurité. La plateforme vidéo TikTok s’est ensuite retirée du marché de Hong Kong. Toutefois, la version chinoise censurée Douyin, qui est disponible dans la République populaire communiste, continue de fonctionner à Hong Kong.

Objectif : opposition

Le chef du gouvernement, Carrie Lam, a minimisé les inquiétudes actuelles. Chaque nouvelle loi provoque des remous, comme ce fut le cas de la loi sur la sécurité de l’année dernière, a-t-elle déclaré. Mais les inquiétudes se dissiperont avec le temps, a-t-elle déclaré à la chaîne de télévision RTHK. Du point de vue des critiques cependant, les inquiétudes que suscitait la loi sur la sécurité à l’époque se sont confirmées depuis : elle visait clairement l’opposition. Fin juin, le dernier journal pro-démocratie de Hong Kong Apple Daily devait cesser ses activités, sous la pression des autorités.

L’AIC met en garde contre le fait qu’à l’avenir, même la diffusion non malveillante d’informations en ligne pourrait être considérée comme illégale. La loi pourrait également être appliquée si, par exemple, quelqu’un signalait aux médias des incidents impliquant des informations personnelles.

Lors de la discussion, les experts juridiques ont souligné que les photos d’une personne ou d’un policier prises dans l’espace public pourraient déjà être considérées comme des informations personnelles dignes de protection, dont la diffusion sur les médias sociaux serait alors illégale. Tout ce qui fait référence à une personne peut en faire partie au sens étroit du terme. (dpa / hcz)