Afghanistan : les talibans chassent les femmes du paysage médiatique
En Afghanistan, les femmes journalistes et professionnelles des médias disparaissent de plus en plus du paysage médiatique. Selon Reporters sans frontières (RSF), seules 76 femmes au total – dont 39 journalistes – travaillent pour les huit plus grands médias du pays à Kaboul, la capitale. Avant la prise du pouvoir par les talibans le 15 août, elles étaient 510. « Les femmes journalistes sont en train de disparaître de la capitale », résume l’organisation.
En dehors de Kaboul, dans les provinces, la situation des femmes travaillant dans les médias est, d’après le rapport (en allemand), tout aussi lourde : une grande partie des médias privés de ces régions ont dû fermer leurs portes en raison de la pression exercée par les talibans. Seul un petit nombre des 1700 femmes travaillant comme journalistes dans les provinces de Kaboul, Hérat et Balkh ont réussi à poursuivre leur travail depuis leur domicile.
« Les femmes journalistes doivent de nouveau pouvoir travailler sans restrictions dès que possible. Il s’agit non seulement de leur droit fondamental et d’un élément essentiel à leur subsistance. Mais leur exclusion signifierait également que les femmes afghanes ne seraient plus représentées dans le paysage médiatique », a déclaré Christian Mihr, directeur exécutif de RSF Allemagne. L’organisation exige des garanties immédiates pour la liberté et la sécurité des femmes journalistes afghanes, a-t-il ajouté.
« Rester quelques jours à la maison »
Que les femmes journalistes fassent des reportages dans les rues et les lieux publics ou qu’elles travaillent en studio, elles sont systématiquement empêchées de faire leur travail, menacées ou même attaquées par les islamistes. Une présentatrice de la radio-télévision publique afghane (RTA) a tout simplement été remplacée par les talibans. On lui a dit de « rester quelques jours à la maison ». Une autre présentatrice s’est vue refuser l’accès au bâtiment de la rédaction.
À RTA, aucune des 140 femmes journalistes n’ose travailler pour la station, qui est désormais sous le contrôle des talibans. Les islamistes ont également fait pression sur les directeurs de médias privés pour qu’ils renvoient les femmes journalistes chez elles.
Certaines femmes employées par des chaînes privées qui font des reportages dans l’espace public ont été attaquées pendant leur travail. Par exemple, une journaliste d’une agence de presse a été battue par des combattants talibans alors qu’elle effectuait un reportage près de l’aéroport de Kaboul. D’autres islamistes ont surveillé la sortie des bâtiments abritant des médias et empêché les femmes journalistes de les quitter pour faire leur reportage.
Dans la province de Ghazni, les talibans ont exigé qu’une station de radio privée retire toutes les présentatrices du programme et cesse de diffuser de la musique. RSF cite les extrémistes : « Vous êtes une station de radio privée. Vous pouvez continuer, mais sans les voix des femmes et sans musique ».
Une journaliste employée par la télévision privée afghane a déclaré à RSF : « C’était le travail parfait pour moi. Je voulais aider les femmes. Maintenant, je ne sais pas si je pourrai retravailler un jour ».
Les médias doivent se retirer
Depuis la prise du pouvoir par les talibans, les conditions de travail de la quasi-totalité des professionnels des médias en Afghanistan se sont massivement détériorées. Le 25 août déjà, RSF rapporte (en allemand) qu‘au moins dix membres de la presse auraient été agressés physiquement ou menacés dans le cadre de leur travail dans la capitale Kaboul et à Jalalabad ces dernières semaines. Ce qui est encore autorisé pour les médias et ce qui ne l’est pas reste pour le moment indéfini. Une centaine de médias locaux privés avaient déjà cessé leur activité. Les stations qui continuent à travailler reçoivent des menaces quotidiennes ou sont censées adapter leurs reportages en fonction de la volonté des talibans.
Ceux-ci avaient tout d’abord affirmé à RSF (en anglais) qu’ils respectaient la liberté de la presse et qu’ils reconnaissaient « l’importance du rôle de la presse ». « Parce que la couverture médiatique est utile à la société et peut aider à corriger les erreurs des dirigeants », a déclaré le 15 août le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid. Ces déclarations semblent déjà dépassées au vu des événements actuels dans le pays.
Au classement de la liberté de la presse établi par RSF, l’Afghanistan occupe déjà la 122e place sur 180 pays. L’organisation écrit : « Les hommes ou femmes journalistes en Afghanistan sont en danger de mort, car depuis la victoire des Talibans, l’un des plus grands ennemis de la liberté de la presse dans le monde est au pouvoir. »
(hcz)