Initiative citoyenne : l'UE doit interdire la reconnaissance faciale

Reclaim Your Face
« Reclaim Your Face » veut mettre un terme à la « prolifération non réglementée » de la surveillance biométrique de masse. (Quelle: Reclaim Your Face – CC BY-SA 4.0)

Le collectif « Reclaim Your Face » souhaite parvenir à une interdiction de la surveillance biométrique à l’échelle européenne : l’initiative citoyenne démarrée mercredi est soutenue par plus de 40 organisations – parmi elles, la Quadrature du Net, le Chaos Computer Club (CCC), Digitalcourage, Access Now et Amnesty International. Si ce collectif parvient, en l’espace d’un an, à collecter au total un million de signatures dans au moins sept pays de l’UE, la Commission européenne devra étudier ses revendications.

Ce collectif exhorte la Commission européenne de « réglementer strictement l’utilisation des technologies biométriques afin d’éviter toute atteinte injustifiée aux droits fondamentaux ». Les systèmes dont il s’agit ne devraient ni être autorisés à être développés, ni utilisés par des organismes publics ou privés, même à titre de test. L’utilisation de données biométriques pourrait en effet « entraîner une atteinte inutile ou disproportionnée aux droits fondamentaux des personnes ». La Commission européenne doit par conséquent proposer un acte juridique afin d’interdire « explicitement et spécifiquement la surveillance biométrique de masse ».

« Reclaim Your Face » ne s’engage pas uniquement pour une interdiction de la reconnaissance faciale : ce collectif s’intéresse également aux systèmes qui répertorient des caractéristiques comme les yeux, les veines et la voix ou qui reconnaissent les personnes par le biais de leur démarche ou de leur rythme cardiaque. Les caractéristiques biométriques sont particulièrement sensibles car elles ne peuvent pas être modifiées. Avec elles, les personnes peuvent être identifiées toute leur vie. En plus de cela, les systèmes répertoriant ce type de données sont considérés comme étant extrêmement sujets à l’erreur. Cela présente des risques énormes et peut également mener des innocents en prison, affirme le Chaos Computer Club (en allemand).

Jusqu’à présent, les données biométriques doivent certes être traitées dans des conditions très strictes, mais selon le collectif, les autorités et les organismes privés accèdent de plus en plus fréquemment à ce type de données afin de surveiller l’espace public. « L’utilisation indifférenciée ou arbitrairement ciblée de ces technologies représente une surveillance biométrique de masse », affirme l’initiative populaire. Les personnes deviendraient ainsi des « codes-barres ambulants ». De plus, une saisie large de données biométriques pourrait avoir une influence négative sur la vie en société : si une personne suppose être observée, elle change son comportement et, par exemple, ne participe plus à des rassemblements.

« Cobayes biométriques »

Selon eux, le temps presse car aujourd’hui déjà, les citoyens seraient utilisés comme « cobayes biométriques ». Le CCC fait référence à des entreprises comme Clearview AI (en allemand) et PimEyes (en allemand) qui, avec des photos provenant d’Internet, ont élaboré des banques de données de visages.

L’association Digitalcourage nomme à titre d’exemple négatif la loi sur la police du Land de Saxe : d’après elle, cette loi permet à la police de faire usage, dans certaines circonstances, de la reconnaissance faciale à la frontière du Land avec la Pologne mais aussi la République tchèque. Ainsi, chaque personne serait potentiellement suspecte.

D’après l’association, il a déjà été démontré que l’utilisation de la surveillance biométrique de masse dans l’UE restreint les droits à la vie privée, à la liberté d’expression, à la manifestation et à la non-discrimination. Cette technologie a également entraîné des violations de la législation européenne en matière de protection des données.

« Si nous ne nous protégeons pas aujourd’hui collectivement, chacun de nos pas sera surveillé non seulement sur Internet mais aussi dans le monde réel », a affirmé Matthias Marx du CCC. La surveillance de masse est d’après lui un problème collectif.

« Nous voulons que les personnes puissent se mouvoir librement, sans devoir craindre que leur corps et leur comportement ne soient sans cesse filmés et analysés », a déclaré Friedemann Ebelt de Digitalcourage. Les lois et la technique devraient par principe « exclure la surveillance et protéger les droits fondamentaux ».

Un million de signatures

Cette initiative collecte désormais des signatures sur son site internet. En tout, un million de personnes dans l’UE doivent participer en l’espace d’un an. De plus, un nombre minimum doit être atteint dans sept États membres ; en Allemagne, ce nombre s’élève à 67 680 signatures et en France à 55 695.

Si « Reclaim Your Face » atteint cet objectif, la Commission européenne devra rencontrer les organisateurs de la campagne. De plus, l’initiative sera présentée au Parlement européen lors d’une audience publique. Le Parlement pourra ensuite approfondir le thème en séance plénière. Dans un délai de six mois, la Commission devra alors indiquer également les raisons pour lesquelles elle prend ou exclut des mesures de suivi.

L’année dernière, la Commission européenne avait débattu d’une interdiction temporaire de la reconnaissance faciale dans l’espace public. Dans le livre blanc sur l’intelligence artificielle publié en février 2020, l’interdiction n’était cependant plus abordée. Pourtant, la Commission européenne y classe la reconnaissance faciale en tant qu’application à haut risque (en allemand) de l’intelligence artificielle. (js)