Les défenseurs de la protection des données de l'UE demandent l'interdiction de la reconnaissance faciale dans l'espace public

caméra de surveillance
Actuellement, la Commission européenne veut autoriser l’utilisation des systèmes de reconnaissance faciale dans certains cas. (Source : Pixabay)

Le Contrôleur européen de la protection des données et le Comité Européen de la Protection des Données (EDPB) demandent une interdiction à l’échelle européenne de l’intelligence artificielle (IA) utilisée pour l’identification automatisée des personnes dans l’espace public. Dans une déclaration commune publiée lundi, ils mettent en garde contre l’empiètement sur les droits humains fondamentaux.

Cela arrive dans le contexte d’un projet de règlement européen (en allemand) sur l’utilisation de l’intelligence artificielle présenté par l’UE en avril dernier. Ce projet prévoit certes une interdiction des procédés de reconnaissance biométrique dans les espaces publics, mais également des exceptions tout aussi étendues, concernant notamment la recherche de victimes d’un crime ou de menaces terroristes.

Dans leur déclaration commune (en anglais), les défenseurs de la protection des données saluent de manière générale l’objectif de réguler l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle au sein de l’UE. Toutefois, l’identification biométrique à distance présente d’après eux des « risques extrêmement élevés ». Par conséquent, les systèmes de reconnaissance automatique des caractéristiques humaines devraient généralement être interdits dans les espaces accessibles au public. Il s’agit, par exemple, de la reconnaissance faciale, mais aussi de systèmes qui reconnaissent les personnes sur la base de leur démarche, de leurs empreintes digitales, de leur voix, de leur ADN ou de leur façon de taper sur le clavier.

Pas de scores de crédit social

Les systèmes d’intelligence artificielle utilisant des données biométriques pour classer les personnes dans des catégories en fonction de leur origine ethnique, de leur sexe ou de leur orientation politique ou sexuelle devraient également être interdits. Toute forme de ce qu’on appelle les scores de crédit social, c’est-à-dire d’évaluation globale du comportement d’individus, devrait également être interdite. Le projet de règlement européen ne prévoit qu’une interdiction des scores de crédit social gérés par l’État.

De plus, les défenseurs des données demandent également l’interdiction de l’intelligence artificielle pour détecter les émotions des personnes. Toutefois, il pourrait y avoir des exceptions pour cette technologie dans certaines branches, par exemple dans le domaine médical.

Atteinte aux droits fondamentaux

La Présidente de l’ECPD Andrea Jelinek et le Contrôleur européen de la protection des données Wojciech Wiewiórowski mettent en garde contre l’utilisation de la reconnaissance biométrique à distance dans l’espace public, qui signifie « la fin de l’anonymat ». Ils ajoutent que « des applications telles que la reconnaissance faciale en direct interfèrent avec les droits et libertés fondamentaux à un point tel qu’elles peuvent remettre en cause l’essence même de ces droits et libertés. » Pour préserver les libertés, une interdiction générale est l’approche qui s’impose, ont-ils déclaré.

Le Commissaire allemand à la protection des données Ulrich Kelber a quant à lui déclaré (en allemand) : « Nous ne voulons pas d’IA dans la zone grise des droits fondamentaux. Je préconise une interdiction de l’IA qui va à l’encontre d’une conception libérale-démocratique de base. »

Les défenseurs de la protection des données s’inquiètent également du fait que le projet de règlement sur l’IA ne s’appliquera pas à la coopération internationale des autorités judiciaires et administratives. Le règlement prévoit également un nouveau « Comité européen de l’intelligence artificielle » qui doit soutenir les autorités nationales en matière juridique. Les défenseurs de la protection des données critiquent le fait que la Commission européenne soit appelée à jouer un « rôle prédominant » dans ce domaine. Le comité doit être indépendant de toute influence politique.

Les organisations demandent une interdiction de la surveillance biométrique

Début juin encore, 175 organisations éminentes avaient appelé à une interdiction internationale de la surveillance biométrique dans les lieux publics. Elles avertissent du fait que cette technologie porte atteinte aux droits humains et aux libertés civiles, « notamment le droit à la vie privée et à la protection des données, le droit à la liberté d’expression, le droit à la liberté d’association et de réunion […] et le droit à l’égalité et à la non-discrimination ».

D’après elles, les hommes et femmes politiques et les législateurs doivent fondamentalement interdire la surveillance biométrique. Les forces de l’ordre, la police frontalière et les services de renseignement ne devraient plus être autorisés à utiliser la surveillance biométrique. En outre, les organisations demandent qu’aucun argent public ne soit plus dépensé pour financer ces technologies.

L’initiative citoyenne européenne « Reclaim Your Face » souhaite également parvenir à une interdiction européenne de la surveillance biométrique. Son objectif est de collecter en un an un million de signatures dans au moins sept pays de l’UE. La Commission européenne devra alors se pencher sur la demande du collectif. (js)